Dans les arènes du temps

02.03.2016

Wagoo entre dans les arènes


Les deux auteurs ont choisi de faire feu de tout bois, et on se régale avec les révélations successives faites par un certain Herb à Lasser, tant elles jouent avec une intertextualité chère aux amateurs de science-fiction.

Débuté par quelques nouvelles publiées dans des anthologies ou dans le recueil Noir duo, les aventures de Lasser connaissent désormais une audience et une réputation croissantes. Après Un Privé sur le Nil, Mariage à l’égyptienne et Mystère en Atlantide, voici donc Dans les arènes du temps, un roman subdivisé en deux parties distinctes. Dans la première, simple mise en bouche, Lasser et son assistante, la fidèle Fazimel, sont chargés par Isis d’aller élucider le problème ayant frappé son temple récemment installé à Pompéi : le vol de la statue en or massif de la déesse. Grâce à une collaboration plus ou moins bien acceptée avec la mafia, Lasser et Fazimel parviennent à retrouver l’objet du délit. Mais derrière les motivations apparentes du responsable, un commanditaire non identifié semble vouloir s’en prendre au panthéon romain et, par extension, à toutes les autres divinités… C’est pour faire face à cette menace que dans la seconde partie, plus prenante, Fazimel et Lasser sont engagés par Jupiter dans le but de retrouver le feu de Vesta, susceptible d’embraser hommes et dieux… Là où Fazimel, enquêtant sur les cultes concurrents de la religion romaine traditionnelle, va découvrir l’ambition sans limite de la divinité connue sous le nom d’Unique, Lasser, ayant récupéré par hasard un artéfact appartenant à la Patrouille du temps, va naviguer entre présent et futur, soucieux avant tout de sauver sa peau !

La principale innovation de ce quatrième tome, c’est la place nettement plus importante accordée à Fazimel. Non seulement son rôle dans la résolution des enquêtes se fait plus essentiel qu’il ne l’était déjà, mais on découvre peu à peu, derrière sa façade de jeune femme décomplexée et dynamique, un passé sombre et torturé. Les deux auteurs ont choisi de faire feu de tout bois, et on se régale avec les révélations successives faites par un certain Herb à Lasser, tant elles jouent avec une intertextualité chère aux amateurs de science-fiction. Davantage de féminisme, donc, et davantage d’éléments sur un panthéon resté jusqu’à présent dans les coulisses, celui des dieux installés dans l’empire romain. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les dieux exposés ne brillent pas par leur charisme : Vénus est non seulement une égocentrique sadique et perverse (ses temples sont de véritables lupanars !), mais Jupiter est peut-être encore plus méprisant à l’égard de ses fidèles humains que les autres dieux, c’est dire ! Quant à Mithra, c’est son machisme qui retient avant tout l’attention. Mais le plus irrévérencieux, c’est le tableau qui est fait de l’Unique : le récit de ses tentatives ratées de s’imposer comme divinité suprême sont à mourir de rire, et nous permettent d’apprendre que dans la date de 1937 après JC, ces deux majuscules ne désignent pas Jésus Christ, mais le Jour de la Cohésion… Polythéisme et monothéisme sont ainsi mis dans le même sac, non sans pertinence. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de voir, dans ce tableau de dieux barbares à l’égard desquels Lasser éprouve un mépris croissant, un reflet des massacres de janvier 2015 à Paris, au nom d’un dieu là aussi…