Mariage à l’Egyptienne

09.03.2020

Un mariage apprécié par Le Syndrome Quickson


La première chose à noter, c’est le changement de format, une première bonne surprise. Car bien qu’étant très client du format fix-up du premier volume, il ne permettait pas tellement à Philippe Ward & Sylvie Miller de prendre leur temps, pour développer leurs enjeux au long-cours.
Ne suivre qu’une seule longue enquête, à la résolution plus complexe et aux ramifications multiples constitue un changement de rythme bienvenu, bénéficiant d’autant plus de toutes les mises en place effectuées dans le tome précédent. Les interventions des différents personnages, les mesquineries, disputes, simples blagues et références sont autant de pièces d’une machine qu’on sent bien huilée, qui tourne merveilleusement bien, ne souffrant nullement de ce changement de braquet. Au contraire même.

Dans tous les domaines dont l’activité se base sur le fait de raconter des histoires, les suites font partie des paris les plus risqués. Il s’agit de raconter autre chose, sans pour autant trop dévier de l’original ; jongler sans cesse entre les similarités et les différences, sans heurter les habitudes prises, ni pour autant reprendre exactement la même recette, approfondir sans trahir. Nous savons tous à quel point c’est compliqué, et surtout à quel point il est rare qu’une suite satisfasse l’entièreté de l’audience ou du lectorat, surtout à une époque ou les avis deviennent de moins en moins nuancés et à l’expression aussi souvent brutale. Parce qu’une suite doit aussi honorer les promesses de ses prédécesseurs. Quelques détails aperçus ça et là qui auraient pu augurer d’événements à venir, un foreshadowing prometteur n’aboutissant sur rien, et vous voilà déçu.e, forcément.
Et les dieux savent que le premier tome de Lasser m’avait laissé très satisfait, dans l’optique, bien sûr, que la suite développe tous ses éléments les plus plaisants afin de gagner en profondeur et en enjeux. Je suis donc entré dans ce deuxième tome avec l’envie d’être agréablement surpris, de voir des choses nouvelles, peut être, tout en retrouvant cette maline légèreté qui avait sur me séduire dans Un Privé Sur Le Nil.
Comment en suis-je sorti ? Suivez le guide.

Nul besoin de rappeler le contexte, en tout point similaire, à l’exception du statut de Lasser, qui, suite aux événements du premier tome, est bombardé détective officiel des dieux par Isis. Nous reprenons le fil du récit, exactement là où se concluait le premier tome, pour apprendre que Lasser est cette fois chargé de résoudre une affaire très sérieuse, dont les effets pourraient plonger l’Egypte et la Grèce dans la guerre, mêlant bon nombre de divinités et de nouvelles personnalités à son enquête.

La première chose à noter, c’est le changement de format, une première bonne surprise. Car bien qu’étant très client du format fix-up du premier volume, il ne permettait pas tellement à Philippe Ward & Sylvie Miller de prendre leur temps, pour développer leurs enjeux au long-cours. Ne suivre qu’une seule longue enquête, à la résolution plus complexe et aux ramifications multiples constitue un changement de rythme bienvenu, bénéficiant d’autant plus de toutes les mises en place effectuées dans le tome précédent. Les interventions des différents personnages, les mesquineries, disputes, simples blagues et références sont autant de pièces d’une machine qu’on sent bien huilée, qui tourne merveilleusement bien, ne souffrant nullement de ce changement de braquet. Au contraire même.

Car en allongeant les foulées, Ward & Miller prennent plus leur temps concernant certains aspects qui avaient du être laissés un peu de côté dans le premier opus, afin de laisser plus de place à la construction de l’univers. Notamment Lasser lui même, dont la personnalité est creusée un peu plus avant au fil des pages. L’occasion pour moi de me rendre compte que sa psychologie et ses mœurs l’ancrent bel et bien dans son époque, me faisant donc ressentir à son égard des émotions contradictoires. Toute la focalisation interne montre bien qu’il est loin d’être un salaud ou un saint, le rendant certes très attachant , autant pour ses failles que malgré elles ; mais force est de reconnaître aussi que sa vision des femmes et quelques pensées à leur égard m’ont fait grincer des dents à quelques reprises. Cependant, je n’oublie pas le contexte de la diégèse non plus, et à cet égard, le traitement des femmes dans l’oeuvre elle-même, en tenant compte des contraintes d’un monde qui tient autant de la mythologie et des logiques divines, est tout à fait compréhensible. Il participerait même, à terme, à nous attacher encore davantage à certains personnages féminins, malgré leur situation secondaire, voire à vouloir les soutenir activement. Je prendrais volontiers Fazimel comme exemple, secrétaire de Lasser, dont on comprend bien, encore plus que dans le premier opus, que Lasser ne serait rien sans elle, et l’histoire comme notre héros en rendent compte, sans arrière-pensée ni ironie.

On apprend beaucoup de choses sur beaucoup de personnages, nouveaux comme anciens, de nouvelles relations se créent ou se développent, et toute cette évolution humaine concourt à rajouter une certaine profondeur au roman, bien au delà de l’enquête elle-même. C’est, comme pour son prédécesseur, des occasions de voyager dans un monde unique et captivant, mais aussi dans les psychologies et les histoires de personnages complexes qui échappent à de simple carcans simplistes. Personne n’est unidimensionnel, et par la même, tout le monde peut vous surprendre, par une réaction, des réponses ou réflexions qui finalement feront toutes sens et pourront vous faire changer de perspective. C’est la richesse d’un univers comme celui là, dont certaines logiques souterraines ne nous sont pas visibles immédiatement, dépendant d’une histoire et d’une chaîne de causalité qui n’est pas la même que la nôtre, forcément. La présence permanente et omnipotente, même si parfois discrète, des dieux change la donne dans toutes les situations. Tout dépend d’eux et eux seuls, ils sont le moteur, la question et la réponse. Et encore une fois, je me garderais de faire un parallèle politique, peut être hasardeux, avec notre réalité sans la bénédiction des auteur.ice.s responsables, mais il me titille encore plus, à la conclusion de ce volume, que la dernière fois.

Et, en toute logique, le constat est le même que la dernière fois. C’est fun, plutôt léger sans être simpliste, ça se paie même le joli luxe de gagner en profondeur, parfois même en émotions. L’univers est toujours aussi captivant, passionnant à explorer, les personnages remplissent leurs rôles à la perfection, et on a envie de les recroiser, les uns comme les autres, afin de pouvoir profiter de leurs interactions et des aventures qu’ils partageront avec nous. Les éléments nouveaux auraient même tendance à laisser deviner des enjeux nouveaux qui se grefferont sans doute aux prochaines aventures du détective, une perspective qui ne peux que me réjouir. J’aurais même tendance à croire que je serais agréablement surpris de ce que pourra contenir le tome suivant, étant donné la promesse nébuleuse qui conclut cet opus. Pari tenu. Je crois bien que je vais l’aimer jusqu’au bout, cette saga. On verra avec le troisième tome ; je vous tiens au courant.