Un privé sur le Nil

11.01.2013

Critique sur k-libre.fr


Logiquement le roman noir s'appuie sur le réalisme en tendant à rendre compte du monde. Mais comme tout genre codé, il existe toujours un auteur de-ci, de-là pour jouer avec eux, et en offrir une version personnelle...

Isis, anubis, delis

Logiquement le roman noir s'appuie sur le réalisme en tendant à rendre compte du monde. Mais comme tout genre codé, il existe toujours un auteur de-ci, de-là pour jouer avec eux, et en offrir une version personnelle. Avec Lasser : un privé sur le Nil, l'on pourrait croire à un roman classique : un détective privé, Lasser, toujours fauché, ironique sur son propre métier, devant composer avec des flics idiots ou corrompus, avec des clients insupportables ou des chefs de gangs teigneux, qui, dès le départ, tombe amoureux de sa cliente. Il va l'aider à se sortir d'une situation scabreuse pour s'apercevoir qu'en fait elle s'est jouée de lui. Si ce n'est pas un archétype du roman hard boiled, qu'est-ce que c'est ? Mais, là où Sylvie Miller et Philippe Ward nous offrent quelque chose d'intéressant et de subtil, c'est dans l'atmosphère générale, les décors et les personnages - tous ces éléments déteignant sur les intrigues. En effet, Lasser officie dans les années 1930 d'abord à Marseille puis en Égypte. Cette différence n'est pas que spatiale, puisque l'univers proposé est lui aussi étrange : les divinités existent réellement, elles possèdent des pouvoirs destructeurs, et elles se comportent en petits tyrans, quelque part entre Kadhafi et Al Capone. Évidemment, des alliances et des traitrises opposent ces divers dieux et parfois les hommes sont chargés d'enquêter pour les aider - ou servir de chair à canon . C'est ainsi que Lasser va être missionné pour retrouver un manuscrit magique, un animal sacré, une relique inestimable et sur la disparition du Nil ! Le jeu sur les codes du genre offre sont lot de moments drôles, que ce soit dans une version particulière du Chat botté ou dans la recherche d'un pénis perdu, avalé par un crocodile, dans l'utilisation des stéréotypes : Lasser aimerait ne rien faire en sirotant son whisky. Les différentes enquêtes se succèdent comme autant de nouvelles indépendantes, prenant le temps nécessaire pour créer un environnement et des personnages crédibles, sans lasser (ha, ha, ha !) les lecteurs. Servi par un style alerte, ironique, Lasser  un privé sur le Nil montre que l'on peut mélanger un univers fantastique et des ressorts policiers pour le plus grand plaisir des lecteurs. Une série à suivre et ça c'est plutôt, si la qualité se maintient, une bonne nouvelle !

Citation

Malgré mes prières ardentes à Taranis, mon père n'a jamais réussi... Euh... N'a jamais repris sa forme humaine. Il était condamné à... rester corbeau. Un jour, je... je l'ai retrouvé mort, cloué à la porte d'une grange.